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Dès l’âge de 12 ans: «La drogue et moi, c’était une relation tellement malsaine et toxique» -Megan Lavoie Gray

Megan Lavoie Gray (à droite) en compagnie de Nadia Dahman et Éric Jutras, respectivement présidente et directeur général de la Fondation André-Boudreau.

Photo Mychel Lapointe

Dès l’âge de 12 ans: «La drogue et moi, c’était une relation tellement malsaine et toxique» -Megan Lavoie Gray

Publié le 14/11/2018

«La drogue, c’est comme une personne. La drogue, c’était l’amour de ma vie, mais c’est la personne qui m’a amenée le plus bas que je ne suis jamais allée. Je n’ai jamais pensé que j’irais aussi bas. Je ne me sentais tellement pas bien. C’est tellement un vide que tu as. On dirait que tu n’as plus rien. Je pense que je vais toujours être fragile. Mais j’ai appris à “dealer” avec… Je n’ai plus d’obsession de consommer. Je sais que la drogue ce n’est pas pour moi et que je suis une dépendante. Je ne peux pas essayer une seule fois… Je n’ai pas envie de retourner là», confie Megan Lavoie Gray.

Résidante de Blainville, Megan a 19 ans. Elle a le visage d’un ange, parle tout doucement. N’empêche qu’elle est descendue en enfer d’où elle est sortie à force de volonté et avec le support du Centre André-Boudreau.

À 12 ans

Laissons Megan se raconter.

«J’ai commencé à consommer à 12 ans. La raison, je ne la connais même pas encore aujourd’hui. C’était peut-être pour enfouir des choses qui s’étaient produites dans le passé. Pour le fun.»

«On a commencé à l’école. J’ai vraiment accroché, encore plus que mes amis avec lesquels j’avais vieilli. C’est ça le problème, j’ai vraiment aimé ça. Ç’a commencé par une fois. Après c’est venu tellement rapidement. Comme à tous les jours. Habituellement, on consomme une petite quantité. Mais, dans mon cas, c’en était vraiment une grosse. Mes amis ont continué avec moi, une fois de temps en temps. Mais moi, je consommais plus souvent. La personne avec qui je l’avais fait la première fois m’encourageait. Après, ça s’est bousculé de plus en plus.»

«Toutes les consommations plus dures que j’ai faites, j’avais peur, mais je les ai toutes essayées. La cocaïne, l’ecstasy, les speeds et les autres.»

La ligne du temps

À cette époque, sa mère lui donnera un conseil qui prendra tout son sens un peu plus tard.

«Ma mère m’a toujours dit qu’il y avait comme une ligne de temps: tu commences à consommer, tu deviens accro, après ça tu vas vers les grosses drogues, après ça tu voles de l’argent et après tu vas rentrer dans la prostitution.»

Dans les faits:

«J’ai perdu des amis. J’ai commencé à me tenir avec des personnes plus vieilles, des gens qui consommaient et des gens qui vendaient. Tous mes vrais amis, je les ai laissés de côté. Je commençais à mentir et à voler de l’argent à mes parents. Je disais que j’allais me faire faire les ongles et c’était [ça coûtait] 70 $. J’allais dans la rue et je me mettais du vernis à ongles [comprendre qu’elle s’achetait de la drogue avec l’argent]. J’inventais tellement d’affaires. J’inventais des activités parascolaires à l’école. C’est sûr que je me suis perdue là-dedans. Je mentais tellement à tout le monde. Il fallait que je me souvienne de mes mensonges, de ce que j’avais dit à l’un et à l’autre.»

Le Centre André-Boudreau

Puis, à un moment donné, la vie a basculé. Du bon côté des choses.

«Un jour, ma mère a su que je consommais, parce que je lui ai lancé au visage. Elle a appelé au Centre André-Boudreau pour prendre des renseignements et des rendez-vous. Elle tirait pour que j’y aille. J’avais accepté d’aller à quelques-uns. Je continuais à consommer. Au départ, je n’avais pas la volonté. À ce moment-là, je ne voulais rien savoir. Je me suis fait renvoyer de mon école en septembre 2013. Je consommais dans l’école. Ça a amené une autre chute. Ma ligne de temps n’était pas bonne… J’avais un problème de dépendance. Je me disais que ce n’était pas un problème. Je consommais parce que j’aimais cela et pas parce que je n’étais pas capable d’arrêter. Quand quelqu’un me demandait si j’étais capable d’arrêter, je leur disais oui, oui, oui.»

Pourtant.

«Je consommais beaucoup. La nuit j’allais aux toilettes et il fallait que j’en prenne pour me rendormir. J’avais des horaires vraiment “fuckés”. Quand j’essayais [des nouvelles drogues], ça me faisait beaucoup plus d’effets, parce que c’était nouveau. Le pot et le hasch, quand tu consommes beaucoup, à un moment donné, ça devient routinier et tu n’as plus d’effet vraiment. Je me nourrissais à peine [des limonades dans des contenants en carton et des petits biscuits].   À un moment donné, j’ai réalisé que j’avais vraiment un problème, parce que la ligne du temps dont me parlait ma mère m’est revenue en tête. J’avais eu une proposition pour peut-être rentrer dans la prostitution. C’est là que je me suis dit non, non. Je ne m’en vais pas là. C’est impossible que je m’en aille dans ce chemin-là.»

«À ce moment-là, je n’étais pas bien avec moi-même, mais je savais que j’avais un potentiel. Je me souvenais de la personne que j’étais avant. J’étais tellement pleine de vie et je riais tout le temps. Alors que quand j’étais dans la consommation, j’étais tellement renfermée sur moi-même, méchante et égoïste.»

À cet égard, Megan raconte un accident de voiture au cours duquel elle se souciait davantage de la cocaïne qui s’était dispersée dans l’auto [elle «faisait de la coke» à cet instant précis], que de l’état de santé de ses amis.

«Mon amie me disait: c’est quoi ton problème? J’ai mal. C’était rendu au point que je ne pensais pas aux autres, mais uniquement à moi. J’ai vu que j’avais un problème qui allait juste empirer.»

C’est à partir de là que la solution ultime est devenue une évidence.

«Je suis rentrée en thérapie le 30 janvier 2014 [elle en sortira en avril de la même année]. C’était difficile. On essayait de faire des réductions de consommation, mais j’en avais tellement besoin. Je ne pouvais fonctionner sans. Ma mère voulait juste m’aider. C’est vraiment grâce à elle [qu’elle a persévéré]. Tout l’encadrement qu’elle m’a donné après la thérapie, je n’en voulais pas. Je ne comprenais pas.»

Pas de miroir

C’est au centre Le Grand Chemin de Montréal que Megan a passé, sans doute, les trois mois les plus importants de sa vie.

Elle se souvient du code de vie strict et du fait qu’elle a été renvoyée le jour où on décernait les diplômes pour avoir réussi le programme, parce qu’elle n’avait pas respecté certaines règles.

«Ils t’enlèvent ton cellulaire, ils t’enlèvent tout. Ils fouillent ton linge. C’est vraiment militaire. Il faut que tu demandes pour aller aux toilettes. Ils te donnent la permission. Ton temps est limité [quatre minutes]dans la douche… Ça m’a aidée. J’avais besoin d’une routine, d’une structure pour défaire tout ce qui a été fait avant de rentrer. On apprenait à ne pas fuir les problèmes. Avant, aussitôt que j’avais une chicane avec quelqu’un ou qu’il se passait quelque chose dans ma vie, j’allais consommer. Le problème était comme parti à court terme. Là-bas, on parlait. Tu es tellement occupé, que tu n’avais pas tellement le temps d’y penser [à la drogue]».

Elle se rappelle aussi d’avoir été privée de miroir pendant ces trois mois.

Un mal pour un bien, en fait.

Avant la cure, «je me trouvais tellement laide.Je ne m’aimais tellement pas. Je n’étais pas capable de me reconnaître.»

Mais le jour du départ du centre Le Grand Chemin, une occasion s’est présentée.

«Je me suis regardée dans le miroir pendant cinq minutes. Je me trouvais belle. Je regardais mes yeux. Je retrouvais la petite étincelle, alors que pendant un certain temps, il n’y avait plus rien dans mon regard. C’était vide. C’était épouvantable. J’étais cernée. J’étais maigre.»

«Je ne le sais pas»

Que dirais-tu à la Megan qui avait 12 ans le jour où elle a consommé pour la première fois?

«Je ne le sais pas,murmure-t-elle. Je ne sais pas ce que je lui dirais. C’est arrivé pour une raison. Aujourd’hui, je suis tellement fière de la personne que je suis devenue. Ça m’a amenée à comprendre beaucoup plus de choses.»

«La consommation, je le dis ouvertement, c’est la chose que j’ai le plus aimée dans ma vie. Ça n’a pas changé aujourd’hui. Je le pensais quand j’avais 12 ans. Je le pensais quand j’avais 14 ans. Je le pense encore aujourd’hui.»

«C’est la chose que j’ai le plus aimée dans ma vie. C’était l’amour de ma vie. Ce que je ne savais pas à ce moment-là, c’est que la drogue et moi, c’était une relation tellement malsaine et toxique. C’est ce que j’idéalisais. Je ne comprenais pas comment les gens qui ne consommaient pas pouvaient avoir du fun. Comment ils pouvaient fonctionner dans la vie.»